Le futur de la mobilité paraissait tout tracé. Pourtant, des revirements et des évolutions ont remodelé le cœur du secteur.
Ce que nous savons avec certitude (quand bien même cela pourrait changer !) : le véhicule de demain sera CASE (Connected, Autonomous, Shared & Electrified).
Je vous embarque avec moi pour un tour d’horizon des 6 grandes tendances qui vont impacter l’avenir de notre mobilité.
1. Un retour au pragmatisme
Nous nous rappelons tous de l’emballement planétaire pour le Véhicule Autonome (VA). Toutes les entreprises s’y mettaient. Les acteurs de la mobilité voyaient la commercialisation du véhicule autonome dans un futur relativement proche.
Nous observons ces derniers temps que ceux-ci sont revenus sur une approche plus pragmatique dans leur conception de la mobilité de demain. Pour cause, de nombreux défis de mise en œuvre ont émergé (économiques, technologiques, réglementaires, sécuritaires, etc.).
Je pense notamment à la question de la responsabilité du conducteur en cas d’accident ou d’infraction. Légiférer à ce sujet relève du véritable débat éthique et moral, et concerne plusieurs acteurs (états, instances internationales…).
Je vous renvoie à ce sujet à ce très bon article du Figaro.
Ainsi, après avoir suscité tant d’émois et d’effervescence, l’industrie du VA devient plus réaliste. Les différents défis sont tels que l’échéance est plus lointaine que ce qu’on avait espéré au démarrage.
C’est une première tendance qui va marquer le véhicule de demain.
2. Des préoccupations propres aux Big Cities
Le VA (de niveau L3 – délégation de conduite mais avec une reprise en main quand nécessaire – et L4 – autonome selon la grille SAE) que l’on prétendait voir circuler rapidement dans les mégalopoles, ne semble plus être la préoccupation des élus de ces « big cities ». Ces derniers sont focalisés sur la gestion et la cohabitation harmonieuse de nombreuses solutions de mobilité qui ont émergées dans nos rues : trottinettes, vélos en libre-service et scooters électriques …
Dans ces conditions-là, nos élus ne veulent pas rajouter un trafic supplémentaire sur un trafic déjà existant avec des VA qui ne concerneraient qu’une tranche infime de leurs citoyens.
La seule ouverture consisterait en des navettes autonomes (donc des espaces partagées) dans un environnement sécurisé et fermé.
Le VA apparaissait auparavant comme une solution accessible, à terme, à tous. Les enjeux spécifiques des grandes villes – tout comme des zones rurales et périurbaines – obligent cependant à repenser la mobilité au sens large. Il pourrait ainsi exister à l’avenir plusieurs formes de mobilités.
3. Les enjeux de mobilité dans les zones urbaines
L’arrivée de zones à faibles émission (ZFE) change la donne. Elle pose notamment l’épineuse question du transport des biens au cœur des villes. Je pense au “Last Mile Delivery” (livraison sur le dernier kilomètre) : un bien est transporté sur une grande distance par transport (camion, cargo, avion) avant d’être acheminé à un centre de traitement d’où partira la camionnette de livraison. Ce système permet d’amener efficacement les biens au niveau local et assure les livraisons de nos commerces.
Or, ceci crée du trafic supplémentaire dans des villes parfois déjà bien embouteillées.
Le véhicule de demain devra ainsi prendre en compte cette nouvelle tendance qui vise la baisse du trafic en ville tout en réduisant la pollution.
4. Une cible client qui évolue
Les acteurs de la mobilité voyaient une adhésion relativement forte des conducteurs pour le véhicule autonome. Or, avec les défis que nous avons évoqués plus haut, le véhicule autonome a une appétence diminuée pour le particulier. La cible B2B pourrait être intéressée plus rapidement, car les “gros rouleurs” y retrouvent plus facilement leur compte avec le temps récupéré lors de leurs trajets.
Néanmoins, on voit apparaître de plus en plus d’initiatives concrètes de navettes autonomes, dont les usages correspondent à des attentes clairement exprimées.
Le véhicule de demain pourrait ainsi ne plus cibler la population dans son ensemble, mais privilégier un segment de clientèle.
5. La bataille sur le partage des données
Le peu d’attrait pour le VA est aussi lié aux nombreux enjeux et interrogations autour du partage des données du futur véhicule de demain CASE. Car cela implique, entre autres, des problématiques de gouvernance, de politiques publiques et de régulations…
Ceci pose également la question du respect de la vie privée. Par exemple, en cas d’incident, la compagnie d’assurance devrait avoir accès aux données relatives au véhicule autonome, à l’environnement mais aussi au conducteur.
Nous savons que le traitement des données personnelles est un sujet sensible à l’échelle mondiale. Les populations tendent à demander plus de respect de leur vie privée. Les véhicules de demain devront donc trouver un juste milieu entre leurs attributs connected, autonomous, shared and electrified et les attentes de la population.
6. Les initiatives du MaaS
Le marché du Mobility as a Service (MaaS) est en plein développement.
Le MaaS regroupe l’ensemble des offres de mobilité, et propose comment les combiner pour réaliser un trajet de manière rapide, facile et économique. Navya, EasyMile, Beti, Uber, Blablacar, les vélos en libre accès sont autant d’entreprises du secteur du MaaS.
La force du MaaS réside dans son approche globale.
Il se concentre en effet sur le besoin du client : demande ponctuelle ou récurrente, rapidité, offre écoresponsable, pas chère, sur courte ou moyenne distance… Les entreprises du MaaS répondent à des attentes non satisfaites à aujourd’hui.
Or, le marché du MaaS est beaucoup plus mature. Des initiatives voient déjà le jour, par exemple EasyMile, Navya et Beti…
Les attentes pour des solutions multimodales sont bien réelles, particulièrement en zones périurbaines et/ou rurales.
L’émergence du marché du MaaS, qui permet d’offrir des services pour répondre à des usages propres à chacun, bouscule ainsi notre rapport à la mobilité.
Conclusion
Nous avons vu 6 grandes tendances qui vont fortement impacter la conception des véhicules de demain. Loin de disparaître complètement de la circulation – si j’ose dire -, le véhicule autonome se retrouve confronté à la réalité. Les acteurs de la mobilité qui projetaient un avenir 100% VA se voient obligés de modifier leur vision.
Ce qui m’intéresse surtout, c’est l’émergence de nouveaux comportements qui va certainement continuer à impacter le secteur. Le télétravail, appelé à perdurer dans nos habitudes, va ainsi réduire l’emploi de la voiture tandis que la pandémie a, au contraire, renforcé l’utilisation du véhicule particulier. Quand la crise sanitaire s’achèvera, peut-être vivrons-nous alors une nouvelle mutation de notre rapport à la voiture, renforcée par la logique d’usage qui est en train de supplanter celle de la possession.
Philippe Clogenson
Senior Advisor, Choucas Consulting
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